Lettre ouverte de Jean-François Bouchard sur le droit d’auteur dans Le Devoir
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Le président de l’ANEL, Jean-François Bouchard, signait le 22 avril dernier une lettre ouverte dans Le Devoir à l’occasion de la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur. Si cette journée vise à promouvoir le plaisir du livre et de la lecture, les acteurs du livre québécois et canadien n’ont pas le cœur à la fête cette année en raison de l’inaction du gouvernement du Canada et, plus particulièrement du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne dans le dossier de la révision de la Loi canadienne sur le droit d’auteur.
Alors que nous célébrons le 23 avril la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur, qui vise à promouvoir le plaisir du livre et de la lecture, les acteurs du livre québécois et canadien, par votre inaction, Monsieur le Ministre François-Philippe Champagne, n’ont pas le coeur à la fête. Si l’essence de votre mandat à l’Innovation, aux Sciences et à l’Industrie doit être de contribuer au développement et à l’essor des industries canadiennes, votre refus de modifier dans les plus brefs délais la Loi canadienne sur le droit d’auteur contrevient à cet engagement.
Malgré nos tentatives de vous communiquer l’urgence de la situation, vous choisissez de maintenir un statu quo qui fragilise chaque jour notre industrie.
Nous le répétons : il est aberrant qu’au Canada, des établissements d’enseignement se sentent légitimés de se prévaloir de l’exception floue — dite équitable ! — réservée à l’« éducation » afin de ne pas rémunérer les créateurs et ayants droit pour l’utilisation d’oeuvres ou d’extraits de livre. Résultat : dans les provinces et les territoires canadiens à l’extérieur du Québec, la quasi-totalité des établissements a cessé de verser les sommes qui seraient normalement dues en vertu du droit d’auteur aux autrices, auteurs et maisons d’édition pour les 600 millions de pages copiées annuellement. Au Québec, les revenus découlant de telles licences ont diminué de près de 30 millions de dollars entre 2012 et 2021.
Le droit d’auteur contribue à l’économie du pays en favorisant l’innovation et la création de connaissance. Ce n’est pas un frein, mais bien un outil précieux. En fait, si le secteur de l’édition s’effrite, c’est toute l’expertise en création de livres — tant pédagogiques et scientifiques que littéraires — qui sera perdue, en plus de tous les emplois qui y sont liés (relevant de l’écriture, de la révision linguistique, du graphisme, de l’impression, etc.). Cela est sans compter les millions de dollars que génère l’industrie de l’édition.
Votre lettre de mandat stipulait que vous deviez « travailler avec le ministre du Patrimoine canadien pour modifier la Loi sur le droit d’auteur afin de protéger plus efficacement les artistes, les créateurs et les détenteurs d’un droit d’auteur ». Il est de votre devoir d’offrir un cadre réglementaire qui protège les titulaires de droits d’auteur tout en encourageant la création et l’utilisation de contenu canadien de manière efficace, juste et rentable. Qu’attendez-vous pour agir ? Vous ne pouvez pas prétendre protéger efficacement les artistes, les créateurs et les ayants droit sans corriger les exceptions qui les privent des revenus essentiels liés à l’utilisation de leurs oeuvres.
Les dommages causés par la loi canadienne inquiètent de nombreux pays, et les voix d’intervenants internationaux se sont élevées pour la critiquer, que ce soit l’Union internationale des éditeurs (UIE) ; le Syndicat national de l’édition en France ; la Fédération des éditeurs européens ; l’IFRRO (International Federation of Reproduction Rights Organisations), qui regroupe l’ensemble des sociétés de gestion collective (une centaine de membres).
Ces experts en droit d’auteur sont unanimes : la loi actuellement en vigueur chez nous est l’exemple à ne pas suivre. En plus de nuire au rayonnement et à la viabilité du livre québécois et canadien, votre manque de leadership dans ce dossier perpétue la mauvaise réputation de notre pays à l’international. Vous ratez une occasion de faire du Canada un exemple à suivre plutôt qu’il soit vu comme un cancre en matière de droit d’auteur.
Monsieur le Ministre, en cette Journée mondiale du livre et du droit d’auteur, nous vous invitons à reconsidérer l’importance que vous accordez à la révision de cette loi essentielle à notre industrie. Il ne tient qu’à vous de vous assurer que le livre canadien puisse continuer à être célébré et que nos auteurs et autrices puissent continuer de rayonner, ici comme à l’international. Agissez !
La lettre ouverte est à retrouver sur le site du Devoir.
Crédit photo : Laurence Labat