Le livre et l’intelligence artificielle générative
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Montréal, le 28 novembre 2024 – À l’occasion du Salon du livre de Montréal (SLM), l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) partage ses constats sur l’intelligence artificielle générative (IAG) deux ans après la démocratisation de cette technologie.
« Contrairement au lexique de l’intelligence artificielle générative, cette technologie n’a ni neurone, ni hallucination : dans ses réponses qui nécessitent la modération humaine, elle fournit des probabilités fondées sur des contenus reproduits », souligne d’emblée la présidente de l’ANEL, Geneviève Pigeon. « Si elle est utile pour traiter un grand volume d’informations, ce n’est pas une intelligence en tant que telle, mais un logiciel fait de contenus reproduits, d’algorithmes, de puissance de calcul et d’expertise humaine de plus en plus controversé en matière de désinformation et d’atteinte à la propriété intellectuelle, pour ne nommer que ces dérives », ajoute la directrice des affaires juridiques de l’ANEL, Me Stéphanie Hénault.
« La concurrence illégitime de livres générés par l’IA est un fléau sur des plateformes en ligne étrangères où ils sont présentés comme l’œuvre d’auteur humain alors qu’ils ne sont que des contrefaçons », ajoute Me Stéphanie Hénault. « Le public a donc tout intérêt à acheter les livres publiés par des maisons d’édition professionnelles reconnues dans des points de vente comme le SLM et les librairies québécoises et franco-canadiennes, physiques ou en ligne », précise Geneviève Pigeon.
Le vendredi 29 novembre à 14 h 15, Me Stéphanie Hénault fera le point sur les efforts et les avancés du secteur du livre, au Canada et à l’étranger, pour un déploiement plus responsable de l’IAG à l’occasion de la table ronde « Le monde du livre à l’ère de l’IA : entre innovation, opportunité et éthique », présentée dans le cadre du SLM PRO.
Enfin, l’ANEL divulgue aujourd’hui ses réponses à une récente enquête de Patrimoine canadien sur l’impact de l’IAG dans le secteur culturel. Une synthèse en 20 constats de ces réponses est annexée au présent communiqué pour sensibiliser le public et le secteur du livre à quelques enjeux de l’IAG et poursuivre la réflexion.
20 constats de l’Association nationale des éditeurs de livres
en réponse à l’enquête de Patrimoine canadien sur l’impact de l’IAG en culture
- L’intelligence et la création humaines, incarnées par l’expression originale du jugement et de la vision unique de son auteur1, sont au cœur de la mission des maisons d’édition professionnelles.
- Quant à l’intelligence artificielle générative (IAG), ce n’est pas une intelligence en tant que telle, mais bien un logiciel structuré autour de contenus préexistants, d’algorithmes, de puissance de calcul et d’expertise Contrairement au lexique de son industrie, l’IAG n’a ni neurone, ni hallucination : elle fournit des probabilités basées sur des contenus copiés qui nécessitent la modération humaine.
- L’IAG peut induire les humains en erreur avec des textes trompeurs, comme en témoigne ce livre sur les champignons du Manitoba et la réécriture massive de contenus légitimes pour les adapter à des biais politiques, pour ne nommer que ces exemples.
- Bien que les auteurs et les éditeurs professionnels s’élèvent en rempart contre certains risques de l’intelligence artificielle générative (IAG), la concurrence illégitime de livres générés par l’IA a dejà des incidences sur le secteur.
- Sur de grandes plateformes étrangères d’achat en ligne, des livres sont vendus comme l’œuvre d’auteurs humains, alors qu’ils ne sont que des publications contrefaites ou de piètre qualité.
- Le public a tout intérêt à acheter les livres, en personne ou en ligne, de maisons d’édition professionnelles à l’occasion de salons du livre, chez des librairies agréées et auprès d’autres points de vente reconnus plutôt que sur des plateformes d’achat en ligne étrangères.
- Outre ses enjeux de qualité et d’exactitude, des entreprises d’IAG sont poursuivies dans de nombreuses juridictions pour la copie illicite d’œuvres pour former leurs systèmes.
- Ces entreprises d’IA utilisent aussi les intrants de leurs utilisateurs dans les réponses données à d’autres utilisateurs. Des systèmes d’IAG « s’entraînent » donc en continu sur du contenu piraté ou « partagé » en cours d’utilisation.
- Si l’utilisateur d’une IAG peut interdire l’utilisation de son propre contenu, comme ses créations, via les conditions d’utilisation du service, cette option de retrait n’est souvent pas aisée à trouver et suscite des interrogations.
- Comme le recommandait récemment le Barreau du Québec dans sa formation sur l’IAG aux avocats, les utilisateurs ne devraient jamais introduire de données confidentielles, personnelles, sensibles ou de propriété privée, comme une œuvre protégée par le droit d’auteur, dans un outil d’IAG sans autorisation et sans avoir l’assurance, sous conditions de licences, de la sécurité du service utilisé.
- En matière de propriété intellectuelle, les livres de qualité sont précieux pour les géants technologiques de l’IAG. La récente pétition Statement on IA training témoigne d’un rapide consensus international selon lequel l’utilisation, sans licence, d’œuvres pour entraîner l’IA générative est une menace majeure et injuste pour les moyens de subsistance des personnes à l’origine de ces œuvres, et qu’elle ne doit pas être autorisée.
- Au Canada, l’utilisation d’œuvres littéraires pour la formation d’IAG est soumise à la Loi sur le droit d’auteur. Le gouvernement canadien ne doit pas y ajouter d’exception ou de régime de licence obligatoire dite pour la « fouille de textes et de données » (FTD)2.
- Pour améliorer le cadre réglementaire québécois et canadien, l’approche pragmatique du Parlement européen et de sa Loi sur l’IA s’impose. Dans ce cadre, l’industrie technologique doit se conformer aux exigences de transparence et à la législation sur le droit d’auteur, indiquer que le contenu a été généré par l’IA, concevoir la technologie pour l’empêcher de générer du contenu illégal et publier des résumés des données protégées par le droit d’auteur. Enfin, les contenus générés ou modifiés à l’aide de l’IA doivent être clairement étiquetés comme ayant utilisé cette technologie afin que l’on sache qu’il s’agit de ce type de contenu.
- Lorsqu’elle n’est pas formée sur de la propriété intellectuelle sous licence appropriée et utilisée judicieusement, l’IAG dans la création et la publication de livres peut miner l’originalité de l’œuvre, être du plagiat et compromettre la capacité de la concéder sous licence.
- Les entreprises technologiques peuvent respecter les droits d’auteur et éviter d’engager leur responsabilité juridique. Pourtant, elles seraient nombreuses à enfreindre les droits tout en réclamant un affaiblissement de la protection juridique des auteurs.
- Le droit d’auteur doit continuer d’être réservé aux œuvres originales humaines pour s’assurer que les auteurs humains puissent continuer d’être encouragés à les créer.
- L’émergence de cadres juridiques à jour, comme celui de l’Union européenne, et de programmes de certification comme Fairly Trained aidera la population et ses créateurs à mieux saisir les opportunités de l’IA. Des licences d’utilisation d’œuvres encadrées aux fins de la « fouille de textes et de données » (FTD) se développent, notamment celles du Copyright Licensing Agency (CLA), du Copyright Clearance Center (CCC) et de Created by Humans (CBH) et, comme annoncé le 18 novembre 2024, celle de Harper Collins.
- En plus des problématiques de désinformation et d’atteinte à la propriété intellectuelle, l’IAG est controversée pour ses enjeux de cybersécurité, de protection de la vie privée, de biais, de manque de transparence des algorithmes, de perte de contrôle sur leurs utilisations, de déqualification de personnes, d’impact écologique ou de dépendances affectives à des robots conversationnels.
- Face à des entreprises d’IAG voulant générer rapidement du rendement dans une course effrénée à l’innovation, il est crucial, au profit du bien commun, de sensibiliser la population et d’exiger l’action et la concertation gouvernementales à l’échelle provinciale, fédérale et internationale.
- Dans le secteur du livre, des technologies de l’IA peuvent aussi être utilisées au bénéfice du bien commun, par exemple pour aider les maisons d’édition à :
- protéger plus efficacement les auteurs et leurs œuvres contre le plagiat,
- gérer les métadonnées enrichies des œuvres en format numérique,
- optimiser la mise en marché et automatiser des processus de vente,
- enrichir l’expérience sur les plateformes numériques de livres,
- préparer des rapports de redevances,
- accélérer des calculs et des analyses,
- simplifier la gestion documentaire de contrats,
- traiter rapidement de grandes quantités d’informations,
Avec pour objectif d’accroître l’efficience de l’entreprise éditoriale au bénéfice du rayonnement et du succès du livre et de son auteur.1 À l’instar du présent questionnaire, le genre masculin est utilisé de façon neutre dans nos réponses.
2 Le Mémoire de l’Association nationale des éditeurs de livres à l’occasion de la consultation sur le droit d’auteur à l’ère de l’intelligence artificielle générative d’Innovation, sciences et développement économique Canada fournit des renseignements complémentaires sur cette question.
À propos de l’ANEL
L’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) regroupe la grande majorité des maisons d’édition de langue française au Québec et au Canada. Sa mission est de représenter et soutenir ses membres afin de favoriser la santé de l’édition québécoise et franco-canadienne ainsi que le rayonnement du livre et des créateur·trice·s à l’échelle nationale et internationale. Les maisons d’édition membres de l’Association publient divers types d’ouvrages, du roman au manuel scolaire en passant par l’essai et le livre jeunesse.– 30 –
Source :
Association nationale des éditeurs de livres (ANEL)Contact :
Florence Falgueyret | Coordonnatrice aux communications et à la promotion
ffalgueyret@anel.qc.ca | 514-273-8130 p.228